Ce projet constitue une sorte de "suite" du projet Delune tout proche, terminé par MA2 en 2010. Outre leur voisinnage immédiat, de nombreux autres parallèles rapprochent les deux bâtisses, même si la première relève d'un éclectisme mâtiné d'Art Nouveau alors que la seconde est franchement Art Déco.
Sans les acquis du projet Delune, le 67 avenue Roosevelt aurait probablement connu une toute autre issue. Après bien des années de palabres et d'abandon, c'est en 2008 que la restauration de ce bijou de l'Art Déco, bâti en 1934 d'après les plans de l'architecte Michel Polak, débute sous la houlette de Ma2 et l’œil avisé des Monuments et Sites. En 2007, cette demeure luxueuse qui n'était plus que l'ombre d'elle-même est classée et acquise par la Fondation Boghossian en vue d'y installer un "Centre de dialogue entre les cultures d'Orient et d'Occident". La première idée est de restaurer la villa et d'installer la Fondation sous la piscine existante.
L'étude historique et l'analyse in situ du bâtiment donneront une toute autre tournure au projet : la Fondation allait se glisser dans cette architecture patrimoniale et la piscine allait être restaurée à l'identique. Outre la restauration de cette oeuvre d'art total, la mission des architectes comprenait l'adaptation de ce lieu d'exception à sa nouvelle affectation muséale, donc publique. Le projet se devait de renouer avec son passé - le faste, la rigueur et l'esprit du baron Empain – mais également d'entamer une nouvelle vie selon les critères actuels (confort, techniques, sécurité, accès, éclairage, circulation, domotique, etc.). Cette renaissance a été possible grâce à un énorme travail de recherches et de mise au point mené en amont, à la collaboration de spécialistes hors pair et au constant dialogue entre maître de l'ouvrage, entrepreneurs et artisans de tous bords. Les architectes qui ont orchestré ce grand projet, l'ont fait avec modestie et savoir-faire. La façade a retrouvé ses ors d'antan, le salon intime ses placages de bois précieux, même la piscine et sa pergola revivent tandis que le sous-sol répond à toutes les exigences d'un musée actuel (conférences, expositions et autres événements, accessibles à tous depuis le rez-de-chaussée). Les bureaux de la Fondation ont été aménagés au 2e étage.
La clé de ce type de projet – qui vaut pour l'ensemble des projets de restauration – est la mise en place d'une méthodologie spécifique. Car comme l'explique Francis Metzger,"en restauration, on ne sait jamais rien, on met en place des méthodes. Petit à petit, l'architecte apprend à comprendre l'édifice, son fonctionnement, son évolution. Sa mission est de compléter l'oeuvre, d'établir un dialogue avec un architecte qui n'est plus là. L'écriture qu'il va mettre en place doit être en résonance avec l'oeuvre et cohérente par rapport à celle-ci. En ce sens, l'architecture est un art du temps, qui n'est jamais figé."
Ce projet a remporté le premier Prix du Patrimoine culturel de l'Union européenne Europa Nostra 2011 ainsi que le prix spécial du jury au Prix européen d'Architecture Philippe Rotthier, la même année.