SITEOn parlait autrefois des « profils » ou des « silhouettes » de villes. Il était possible de « lire » la ville en ses limites, dans une ligne de remparts, de toits. Aujourd’hui, la notion de limite est difficilement appréhendable et ne se lit réellement que dans les paysages insulaires. Le territoire urbain et le paysage y sont enserrés par les rives du fleuve et continuent donc de se lire comme une entité ayant un début, une fin, un amont, un aval, des côtés, un contour et un profil. Cette notion est alors primordiale sans pour autant omettre la visibilité et la clarté indispensables à un projet urbain appelant la diversité des activités, la pluralité des intervenants et les transparences visuelles permettant d’une rive à l’autre, des traversées du regard.Comment conserver cette limite tout en cherchant à ouvrir ce territoire cerné par le fleuve ?Du haut, on pense à un site rude, un de ces lieux où le sol est abîmé, où les bâtiments ont du mal à se poser. Pourtant, en s’approchant, cette austérité disparaît, la végétation a résisté comme elle a pu, elle est là. Au Sud une ancienne usine à poudre, au centre, maisons, barres et tours sont là, mais leur modénature est disparate. Au nord, terrains et équipements sportifs cohabitent avec des halls d’exposition et d’anciens bâtiments universitaires. Un peu partout sur le site on peut voir des vestiges d’une activité récente. Ce tour du propriétaire révèle que ce territoire contient un large éventail d’éléments hétérogènes sans véritable correspondance.L’histoire et la mémoire profondément ancrées dans un site ne peuvent être un poids qui l’empêcherait d’avancer et le condamnerait à un décisif arrêt sur image. La ville se construit sur la ville, l’île aussi quand elle fait ville.L’essentiel est alors de trouver l’édification architecturale qui parviendra à fédérer tous ces acteurs et donner une identité nouvelle à ce territoire.Il ne peut s’agir que d’un objet unitaire mis à l’échelle du site pour drainer toutes les activités et irradier l’ensemble du site. Il s’agit d’un nouvel acte fondateur, la création d’un emblème, des fondations pour un avenir possible. Il sera massif, topographique, une mise en scène à 360° pour saisir cette opportunité de faire naître un nouveau paysage structurant et identitaire.ARCHITECTURE ENVIRONNEMENTLe projet d’aménagement s’inscrit dans une esthétique à partir d’une nature appauvrie pour créer une nature sans prétention apparente, un art paysager supposé non intentionnel. Des équipements sportifs, des logements ou des bâtiments de recherche, prolongent la ville sur les berges de l’île et évoluent selon sa densification. Le territoire, découpé en lanières vient s’agrafer sur ces lignes de densité élevée. Ce grand espace végétal au cœur de l’île constitue un contrepoint à l’intensité urbaine initié par le projet sur les berges. Un parc actif apparaît participant à désenclaver les pratiques sportives et offrir de nouveaux spectacles urbains.La façade fluviale est transformée, sculptée. De nouvelles ambiances urbaines apparaissent autour du fleuve devenu support d’usage. L’opportunité de requalifier et rééquilibrer les rives de la ville tout en les reliant permettent à la Garonne et à l’île de devenir un paysage unificateur. Trois état de la Garonne s’inscrivent en un même lieu : le bassin, le port, le cours d’eau.La qualité du site appelle alors à une certaine rigueur, à la sobriété. Mise en œuvre stricte de valeurs d’usage, vecteur entre deux points à relier, le projet contient l’idée de trait d’union, le tout dans une unité formelle et matérielle afin de dissoudre l’ouvrage dans une géométrie abstraite et silencieuse. L’inscription dans le site est réduite à l’expression la plus simple, à un vocabulaire minimal, à une écriture épurée, excluant tout expressionnisme technique : un trait dans le paysage, élément rectiligne et débarrassé de toutes références stylistiques.D’emblée, seul se lit un trait blanc, longiligne, dessinant un horizon artificiel. Puis des gradins soulignent et se plient au gré des usages donnant à voir la Garonne ou le cœur de l’île.Le bâtiment devient une partie de l’environnement, un trajet qui mènerait d’un point à un autre dans une aventure paysagère, une promenade singulière.ARCHITECTURE SYSTEMEUne mégastructure est un grand édifice pouvant abriter plusieurs fonctions normalement dévolues à des bâtiments séparés agissant sur la ville comme une couture consistant à rapprocher et lier des tissus.Des voies de circulations et des stationnements surélevés définissent un nouveau rapport entre l’île et l’automobile : extraterritorial. Zones de desserte et non de butée, elles débouchent sur un cadrage ouvrant la perspective sur la ville. Espace à la fois serveur et pénétrant, sa présence au niveau de la ligne haute rend caduque l’entrée conventionnelle d’un équipement. Elles définissent de nouveaux espaces, formant un toit pour accueillir des équipements mais aussi un sol définissant un grand deck à voir et à pratiquer.Le pont Pierre de Coubertin, élément barrière, est modifié pour permettre la transversalité des tracés existants entre ville et île. Au nord, un nouveau pont est créé, prolongeant un système de dessertes circulaires autour de trois quartiers thématisés : ces quartiers sont suturés. Ainsi, ces structures linéaires comprennent un pont à chacune de leurs extrémités. Infrastructure et bâtiment forment un tout. Dans une recherche de neutralité vis-à-vis de l’environnement, la technique n’est pas donnée à voir de l’extérieur, l’ouvrage d’art n’est pas exprimé. Les différents renforts structurels sont gérés depuis l’intérieur du profil, comme une coque de bateau, une carlingue d’avion où l’on cherche la plus grande fluidité extérieure en conservant, dans l’emprise du volume, tous les éléments au service de la rigidité de l’ensemble. La structure de la poutre de circulation, autonomise complètement cette dernière en matière tectonique.A la fois espace public et bâtiment, le projet pose la question du tout et de ses parties, des rapports, a priori contradictoires, entre la cohérence d’un ensemble et l’autonomie formelle de ses éléments.Il s’agit d’un travail sur l’identité autant que sur l’usage.ARCHITECTURE OBJETAucun bâtiment ne peut ressembler à un autre. La différence n’est pas une question de style mais la conséquence de l’adaptation au contexte.Tout en restant un espace de sport nautique, ce bâtiment revendique sa spécificité et affiche la force d’un équipement public. Ainsi une attention particulière a été portée sur le traitement des accès, des parcours, des surfaces.Une tension se crée entre intérieur et extérieur. Etre dedans, être dehors. Les seuils, les passages, les transitions imperceptibles participent à la mise en scène de l’arrivée. Les façades se montrent, mais ne nous montrent pas tout. Elles deviennent invitation à entrer.D’une façon claire, le site est divisé en deux parties.En partie basse, au niveau de la Garonne, la berge est découpée à l’image d’un port, laissant pénétrer le fleuve suivant l’axe des eaux évoqué par les piscines existantes. Dans cette partie basse, une aire minérale accueille deux volumes d’une même écriture regroupant les espaces dédiés à la pratique de l’aviron.En partie haute, au niveau du sol de l’île, un troisième volume entièrement dédié à l’accueil du public, joue le rôle de rotule entre la nouvelle base nautique et la piscine Alfred Nakache. La volonté de produire de la qualité spatiale singulière à défaut d’un confort « moderne » standardisé dans un espace à la topographie instable permet de renouer une relation plus sensorielle avec le territoire.Deux matières, l’une blanche, l’autre noire permettent une lisibilité maximale. Le béton lisse teinté dans la masse présentant une colorimétrie blanche se retrouve en façade mais aussi sur le sol du deck pour que l’horizontale et la verticale se rejoignent dans un équilibre donnant une unité à l’ensemble.Le métal noir, marque les entrées et évoque la répartition des usages, dans un jeu chromatique avec la blancheur du béton.Le bâtiment est pensé d’abord comme une masse d’ombre. Par la suite, les percements zénithaux laissent pénétrer la lumière naturelle. Au cours de la journée, des puits de jours ponctuent les espaces intérieurs, les illuminent de manière changeante et leur donnent du sens.