Suivant une démarche théorique et sans
s’attacher aux besoins réels, ce projet se propose de travailler sur un nouveau
moyen de construire la ville déjà densément bâtie, ici la ville Haussmannienne.Par un processus défini autour de la notion Platonicienne de Chôra «lieu impossible»(1),
il s’agit de mettre en place un tissu mutant qui, en transgressant la parcelle
type de la ville occidentale, constitue une nouvelle base d’intervention. A
partir des tensions internes du quartier, une matrice relie les parcelles
existantes, prenant en compte les trois segments temporels du site (passé,
présent, futur). Celle-ci sert de base pour l’inscription d’un nœud
information-activité-architecture: logements, activités et récréation. Chôra devient alors le
lieu de transition entre l’urbanisme conventionnel et le nouveau quartier de
volumes génériques qui flottent au-dessus de la ville ancienne. Cette interface
est ponctuée par des équipements qui assurent le bon fonctionnement de
l’ensemble.
L’étendue de l’intervention impose un
phasage important. Le projet se développe donc sous la forme d’un
« chantier perpétuel » : un champ de grues positionnées sur les
points d’inflexion de la matrice offrent une grande flexibilité dans le choix
des emplacements possibles. Cette forêt de grues évolue et se déplace avec les
besoins du chantier. C’est elle qui génère la nouvelle urbanité. Face à
l’obsolescence de plus en plus rapide de l’architecture, elle permet de
s’adapter aux besoins de la politique de spéculation foncière. Cette situation
où l’ancien et le nouveau subsistent, imbriqués l’un dans l’autre dans un même
espace-temps, multiplie les potentialités en tentant de structurer l’espace sur
une autre base que le « bâti à outrance » : le vide.(1)Chôra et topos. Chacun de ces deux termes peut se
traduire par « lieu » ; mais ce qu’ils impliquent est très
différent. Dans le Timée de
Platon, la chôra intervient dans
le rapport entre l’être absolu, qui relève de l’intelligible, et l’être relatif,
qui relève du monde sensible. L’être relatif n’est qu’une image imparfaite de
l’être absolu. Celui-ci est éternel et n’a pas de lieu. Au contraire, l’être
relatif est soumis au devenir, et il ne peut exister sans un lieu, qui est la chôra. C’est le contraire qui ressort de la
définition aristotélicienne du topos. En effet, celui-ci y est assimilé à un
« récipient immobile » qui limite immédiatement la chose. (D’après
Augustin Berque : « Lieu »1. Belin 2003)