Exposition de dessins, photos(collage) et installation, présentée à la Maison de l'Architecture du Québec du 23 août au 27 octobre 2013.
Alors que les grands développements laissent parfois quelques terrains vagues dans l’attente, des zones entières, habitées mais laissées pour compte, démontrent que le laissez-faire urbain rend possible d’autres manières d’utiliser, de raconter et de vivre la ville. Ces vagues urbains permettent aux activités les plus essentiellement banales de prendre place et au merveilleux, l’opportunité de prendre racine.
Aux suites de la loi d’amnistie de 1991, le centre ville de Beyrouth a rapidement été nettoyé et poursuit depuis une grande opération de reconstruction. Même si d’autres quartiers suivent le pas, Bachoura, un quartier adjacent au centre, demeure intact, ou peut-être plus justement, dans un état d’après-guerre. Pourtant, sous ses airs inhospitaliers, se cachent une résilience et un imaginaire insoupçonnés. Par coïncidence, son nom local, Khandaq el Ghamiq (le fossé profond), suggère un monde physiquement divisé de celui qui le surplombe, et dans lequel les constructions et pratiques astucieuses passent de l’imaginaire au réel. C’est à côtoyer les détails de ce réel-imaginaire qu’apparaît la mécanique d’une occupation différente de la ville.
Dans un effort de poursuivre le détail bachourien, cinq infrastructures personnelles nomades révèlent trois pratiques essentielles de Bachoura : le récit, la marche et le détournement. Alors que le récit est une trajectoire spatiale et temporelle qui génère un sens, une mémoire et une valeur au lieu, la marche se lance à la recherche d’occupations potentielles. À travers les déambulations se lient les histoires et émerge la cohérence de l’indompté et du résilient. Apparaît alors le détournement : des transformations insidieuses et des occupations étranges supposent d’autres manières de pratiquer la ville. Ces chambres-machines surgissent de situations trouvées pour devenir, alors qu’elles appartiennent à des lieux, des gens et des pratiques en voie d’extinction, des architectures transportées, poussées, roulés, tirées, ou balancées comme de petits terrains vagues nomades personnels. Lorsque Bachoura ne sera plus que l’extension de la nouvelle ville, les infrastructures permettront aux pratiques bachouriennes de résister et de détourner le nouveau paysage.